Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/73

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la drole de la servante à Géral, qui gardait la chèvre et les oies et s’appelait Lina.

À neuf heures, la mère de Lina nous appela tous pour déjeuner. Il y avait sur la table un grand plat vert où fumait une bonne soupe avec des pommes de terre et des haricots dessus en quantité. Il y avait longtemps que je n’en avais mangé d’aussi bonne, et, sans doute, les autres la trouvaient à leur goût aussi, car Géral, son domestique, l’autre femme et la servante, tout le monde y revint, moins ma mère que le chagrin empêchait de manger beaucoup. Cette servante coupait le farci, comme on dit, chez Géral qui était un vieux garçon ; et, quoique je sache bien qu’elle seule fit renvoyer ma mère, on ne peut lui ôter ceci, que sa soupe était bonne : c’est bien vrai que, dans la maison, il y avait tout ce qu’il fallait pour ça.

Tout en déjeunant, Géral encourageait ma mère et lui disait que, Laborie étant connu de tout le monde comme un mauvais homme, ou, pour mieux dire, un coquin, mon père serait peut-être acquitté. Mais elle secouait la tête tristement.

— Voyez-vous, Géral, il y a des gens trop riches contre nous et qui ont le bras long : les messieurs de Nansac feront tout ce qu’ils pourront pour le faire condamner.

— C’est bien ça, firent les autres.

— En tout cas, ma pauvre, reprit Géral, il te faut manger pour te soutenir ; autrement, tu te