Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/79

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Eh bien, ça n’est pas autre chose que la carmagnole du temps de la Révolution, sorte de veste assez courte et à petit collet, droit comme ceux des vestes des soldats. Dans nos pays, ce vêtement des bons patriotes a pris, je ne sais pourquoi, le nom de ceux qui le portaient.

Reprenons.

Notre chemin était de traverser la forêt en allant vers le Lac-Gendre, et nous prîmes cette direction, après nous être déchaussés pour cheminer plus à l’aise sur les sentiers des bois. Du Lac-Gendre, nous fûmes passer à la Triderie, puis à Bonneval, et enfin à Fossemagne, où nous trouvâmes la grande route de Lyon à Bordeaux, achevée depuis peu.

À la sortie de Fossemagne, ma mère me fit asseoir sur le rebord du fossé pour me reposer un peu. Une demi-heure après, nous voilà repartis, marchant doucement en suivant l’accotement de la route, moins dur pour les pieds que le milieu de la chaussée. La pauvre femme, bourrelée par l’idée de ce qui attendait mon père, ne parlait guère, me disant seulement quelques paroles d’encouragement, et me prenant des fois par la main pour m’aider un peu. Nous ne rencontrions presque personne sur la route ; quelquefois un homme cheminant à pied, portant sur l’épaule, avec son bâton, un petit paquet plié dans un mouchoir ; ou bien un voyageur sur un fort roussin, le manteau bouclé sur les fontes de sa selle, qui laissaient voir les