Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le rendent impitoyablement féroce, non seulement pour les bêtes, mais pour ses semblables… Puisque nous parlons de sangsues, avise-moi là-bas ton cousin de Légé en colloque avec un pauvre diable qu’il suce depuis dix ans, et qu’il va faire exproprier un de ces jours !… Ah ! le voilà qui congédie sa victime humblement courbée devant lui, le chapeau bas : il nous a vus et vient à nous.

En effet, M. de Légé aborda les deux amis, et, après les politesses réciproques, il dit à Daniel :

— Je suis bien aise de vous rencontrer : j’allais envoyer au Désert pour vous prier de venir à Légé.

— Vous avez quelqu’un de malade ? demanda promptement le docteur.

— Malade, peut-être pas précisément : c’est pour Minna… Cette petite me préoccupe. Elle a toujours été un peu capricieuse, comme une enfant gâtée ; mais, présentement, elle devient fantasque. Tantôt elle court toute la journée sur sa jument, tantôt elle garde le lit. Voilà le second jour qu’elle ne s’est levée et n’a pris que du bouillon.

— De quoi se plaint-elle ? fit le docteur.

— De tout… et de rien en particulier.

— Ce n’est sans doute qu’un petit malaise passager, mais enfin j’irai la voir demain…

— Te voilà repris, mon pauvre Daniel ! dit le notaire dès que M. de Légé les eut quittés.

— Oui… mais pas pour longtemps ! fit l’autre, pensif.

Sur cette réponse, tous deux allèrent querir leurs bêtes. Devant la corde ils retrouvèrent le curé de la Jemaye, dont le garçon de l’écurie en plein air bridait la jument.

— Si vous le voulez bien, messieurs, dit le brave