Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/191

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futures, Daniel acquit la conviction que, l’année venant, il lui serait tout juste possible de payer les intérêts au cousin de Légé. Encore fallait-il, pour cela, que les vignes ne fussent pas gelées par les « chevaliers » ; que le blé réussit bien ; que les cochons, les moutons et les veaux de lait se vendissent cher ; — bref, tout un concours de circonstances favorables qu’il n’était pas raisonnable d’espérer. — Quant au « produit de sa lancette », comme il disait, le docteur ne le mettait pas en ligne de compte, pour la bonne raison qu’il était nul.

Dans ces conditions, la nécessité de renoncer à l’édition de son mémoire lui apparaissait clairement, et cela le contrariait au plus haut point.

Dans le fond du tiroir, cet ouvrage était là, sous la forme d’un cahier cousu de gros fil retors. Daniel se mit à le relire. Le travail primitif avait été fort amélioré par des additions de faits omis, par des vues nouvelles, des raisonnements plus pressants, des démonstrations plus nettes. Après avoir achevé sa lecture, le docteur sentit s’accroître ses regrets. Certain de n’être abusé par aucune vanité d’auteur, il se disait pourtant que nul n’aurait pu lire son travail sans croire fermement, comme il y croyait lui-même, à l’efficacité des moyens qu’il préconisait.

Après y avoir mûrement réfléchi, obligé de renoncer à une impression trop dispendieuse pour lui, Daniel voulut au moins saisir de ses projets l’administration préfectorale, à défaut du public. S’il pouvait l’intéresser au sort de la malheureuse Double, l’opinion moutonnière suivrait. Stimulé par des espérances largement optimistes, qui témoignaient une absolue ignorance de l’esprit administratif, le docteur