Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/213

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berger. On ne parla plus de ce triste Jannic, dont les sabots furent plus tard retrouvés sur les bords de l’Ille.

L’installation de Sylvia au Désert n’avait ressemblé en rien à un événement. Mériol, toujours silencieux, n’avait pas eu l’air de remarquer sa présence ; quant à la Grande, elle l’avait accueillie affectueusement, comme une personne attendue.

— Ah ! te voilà, ma petite ! sieds-toi en attendant le souper.

La bonne géante se sentait pleine d’indulgence pour Sylvia. « La pauvre, se disait-elle, est devenue amoureuse par reconnaissance. N’ayant pas d’autre moyen de récompenser le monsieur qui l’a sauvée, elle s’est donnée à lui. »

Pour ce qui était du maître, elle trouvait la chose toute naturelle, et s’en était ainsi expliquée avec lui :

— Vois-tu, mon petit, un fier homme comme tu es ne se peut passer de femme. Je t’aime mieux celle-ci qu’aucune autre que je connaisse. Avec cette belle drôle qui est douce comme une agnelle et pour qui tu es le bon Dieu, tu n’auras point d’ennuis et de tracasseries, comme peut-être si tu avais pris à femme une pecque de demoiselle pour quelques sacs d’écus… Tiens ! celle-ci est toute nue, par manière de parler : eh bien, elle te rendra cent fois plus heureux que non pas ton petit serpent de cousine avec toute sa fortune !

La Sicarie était sincère en parlant de la sorte ; mais, à son insu, elle était sans doute animée par la crainte d’un mariage qui eût introduit au Désert une jeune femme, et l’eût dépossédée de sa maîtrise dans la maison.

Quant à Daniel, tout en se rendant le témoignage