Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutes ces petites misères ne touchaient guère Daniel qu’à titre de symptômes. Il laissait passer les procédés haineux sans protester, sinon, à l’occasion, par des remarques ordinairement assez bénignes.

— Si monsieur de Bretout est méchant et calomniateur, faut-il donc que je le devienne aussi ? disait-il à M. Cherrier qui s’étonnait de sa philosophique indifférence.

— Ainsi faisant, mon petit, répliqua le notaire, il est forcé que tu embourses beaucoup de nasardes. Rien ne fait dresser la crête aux gens comme d’imaginer qu’ils ont affaire à un couard !

Malgré sa mansuétude, le docteur se départit néanmoins de son attitude passive dans une circonstance où l’on essayait de l’atteindre par Sylvia et son enfant.

Un jour, pendant qu’il était allé visiter M. de Fersac, goutteux, la Cadette vint au Désert, et, après les salutations d’usage et de lentes platusseries sur le petit Samuel qui apprenait à marcher, fit un brin de morale à Sylvia sur ce qu’elle vivait avec le « monsieur » sans que le curé y eût passé… Tout le monde en babillait dans le pays et la honte en retombait sur elle, la mère.

— Et c’est bien raison ! interrompit la fille, tu l’as prié assez indiscrètement de me prendre pour te débarrasser de moi !

— Enfin, à présent, il faut cesser une pareille vie, et, pour ce faire, revenir chez nous.

— Et où demeures-tu ? demanda Sylvia.

La mère, embarrassée, ne répondit point ; la Grande alors intervint brusquement et, du premier coup, mit les pieds dans le plat :

— Comment ! dit-elle à Sylvia, tu ne sais pas que