Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/272

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être en conformité du jugement, sans chercher à en sortir, soit par argent, soit d’autre manière.

— Comme vous l’entendrez ! fit le geôlier, quelque peu surpris.

Et il rentra dans la pièce avec le prisonnier.

Cette nuit-là, Daniel ne dormit guère. Sa pensée s’envolait vers le Désert et se représentait la désolation de la famille privée de son chef. La violente opposition du milieu paisible et honnête de sa maison avec celui de la prison, ignoble et infect, le frappait vivement. Le contraste de cette société de coquins vicieux ou criminels avec celle de son cher petit Samuel, de sa bien-aimée Sylvia, de la bonne géante qui l’avait élevé, du taciturne Mériol, si dévoué, lui rendait la situation présente plus pénible. À l’idée que cette cohabitation devait durer six mois, il soupirait. Toutefois il s’efforçait de prendre courage et de se résigner à l’inévitable.

« Pourquoi s’affliger ? se disait-il, ne sais-je pas que la plupart des hommes sont égoïstes, méchants et injustes ? Cela étant, ne devais-je pas être préparé à tout ce qui m’arrive ? L’homme sage doit tout souffrir avec constance, recevoir également les plaisirs et les peines, les honneurs et l’ignominie. Je suis enfermé ici, mais ma pensée est libre et ma conscience en paix. Je ne changerais pas de condition avec ceux qui m’ont mis dans cette geôle. S’il leur reste néanmoins quelque sentiment de la justice, ils doivent avoir des remords ; s’il ne leur en reste pas l’ombre, ils sont encore plus à plaindre ! »

Tant qu’il était seul en cause, malgré la privation de sa liberté, la révolte de ses délicatesses, les souffrances de son cœur, Daniel réussissait à se soumettre : il acceptait son état présent comme un de