Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa fille une bonne place, « une de ces places comme il n’y en a pas treize à la douzaine ». Et, sur la demande de Sylvia, elle lui apprit que cette place extraordinaire était au château de Légé, « chez les rois de la Double » ! Après cela, elle en énuméra longuement tous les avantages, avec des détails fastidieux, comme si elle eût voulu faire consentir sa fille par lassitude.

— Tout ce que tu me peux dire et rien, c’est tout pareil ! répondit Sylvia lorsqu’elle eut terminé. Fut-il le plus misérable de la contrée, eût-il contre lui tous les gens des alentours, riches et pauvres, je ne quitterai jamais un homme qui vaut plus que tous les autres ensemble !

— Regarde moi ça ! fit la Cadette, en exhibant un louis d’or. C’est pour toi, comme étrenne d’entrée !…

— Faut-il que tu vailles peu ! s’écria Sylvia. Tiens ! j’ai honte d’être ta fille !

Et elle s’en alla…

Peu de jours après cet assaut, en revenant de porter le « merenda », ou collation, à Mériol, qui travaillait dans une pièce de terre à quelque distance de la maison, Sylvia rencontra M. de Bretout chassant, bien guéri de sa blessure.

— Ta mère t’a parlé, Sylvia, dit-il en l’arrêtant sur une sente ; pourquoi ne lui veux-tu pas être docile ?… Viens à Légé, chambrière : tu y seras heureuse comme une reine !… Ma femme n’est pas ma femme… comprends-tu ? Viens : tu seras la véritable dame de Légé !

— Écoute, monsieur ! Entre toi bien riche et le père de mon drôle bien pauvre, je ne balancerai pas une minute ! J’aime trop mieux rester sa servante au