Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/307

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déborder parmi les paysans. Qui le premier avait formulé cette grave accusation ? Il semblait que ce fût une collectivité, tant elle avait été simultanément distribuée dans toute la Double. Peu à peu, comme il arrive, à force de passer de bouche en bouche, tous ces bruits se précisèrent et s’aggravèrent : ce qui n’avait été hasardé d’abord qu’en forme d’hypothèse s’affirma comme une vérité indubitable.

Cependant, au bout de quelques mois, ces rumeurs calomnieuses, ces propos dénonciateurs avaient pris assez de consistance pour constituer ce qu’en style de réquisitoire on appelle « l’opinion publique ». En cet état, l’affaire fut signalée au parquet par un anonyme zélé, qui d’ailleurs envoyait comme une preuve décisive un petit paquet de poudre blanche présumée être le poison.

Appelé incontinent devant le procureur du roi le docteur reconnut aisément avoir donné à la jeune femme de don Esteban des paquets semblables, d’aspect, contenant de la quinine…

— Qu’est-ce que cette drogue ? interrompit le procureur.

— Tout simplement le principe fébrifuge du quinquina, récemment extrait de cette écorce par les savants Pelletier et Caventou.

— Alors, vous reconnaissez avoir administré à l’épouse de don Esteban le même médicament que celui contenu dans ce paquet ?

— Pardon ! il me faut d’abord voir ce médicament.

Le procureur ayant ouvert le paquet, Daniel examina la poudre, en mit un peu sur sa langue, puis dit tranquillement :

— C’est de l’arsenic, et non de la quinine.

Au bout de deux longues heures, après avoir