Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/340

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la possibilité de vendre le Désert dans un délai aussi court.

— Mais monsieur, fit Daniel, vous achetez souvent des propriétés pour les revendre à votre guise. Estimez la mienne selon votre conscience : je m’en rapporte à vous. Quand vous l’aurez revendue, vous me donnerez ce qui restera finalement, après avoir désintéressé mes créanciers et prélevé votre juste bénéfice.

— Vos créanciers n’attendraient pas que j’eusse trouvé un acquéreur : il me faudrait faire l’avance de ce qui leur est dû. Avec les frais d’actes, cela irait à une vingtaine de mille francs… Je ne puis pas faire cette affaire.

Et M. Baraine se leva.

— Alors, repartit Daniel, pardon de vous avoir dérangé. Je vous salue, monsieur.

En s’en allant, il réfléchissait à ce refus opposé par un vieil ami de son père, par un homme riche, qui avait fait beaucoup d’affaires dans des conditions moins avantageuses et moins sûres. Ce M. Baraine, qu’il avait vu autrefois au Désert, assis à la table de famille, chez lequel il avait été lui-même, jeune garçon, mené par sa tante Noémi, les jours de fête, il semblait avoir oublié tout cela. Son attitude avait été celle de l’indifférence presque malveillante : à quoi l’attribuer ? Un mot de son interlocuteur mit Daniel sur la voie et lui montra clairement la vérité. Le protestantisme officiel de Laroche-Chalais ne considérait plus le docteur Charbonnière comme un des siens, lui en voulait sourdement d’avoir abandonné la Réforme et tout exercice de culte, lui, de vieille race huguenote. Sans aller jusqu’aux démonstrations d’hostilité, le pasteur et les anciens ne l’aimaient pas