Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/183

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notre point de vue. Les Tonkinois auront-ils lieu d’être plus satisfaits ?

Dans la situation où ils se trouvent, ils sont certainement loin d’être heureux ; mais il leur semble que tous leurs maux ne leur viennent que des Annamites qui les pillent et ne leur laissent que les yeux pour pleurer ; ils se figurent qu’ils n’auraient plus rien à désirer s’ils en étaient débarrassés. Il ne leur manquerait rien, en effet, si on les laissait se gouverner et s’administrer eux-mêmes, fixer, percevoir et dépenser eux-mêmes les impôts, si on leur laissait en un mot les libertés et la douceur du régime chinois. Mais, entre ce régime et un gouvernement tel que nous sommes habitués à le concevoir, n’y a-t-il pas une trop grande différence pour qu’il soit possible de les concilier l’un et l’autre ? Et d’abord, est-il permis de supposer que les Tonkinois souscriront avec beaucoup d’enthousiasme aux frais d’un protectorat qui devra, non pas seulement les assurer contre les Annamites, mais s’assurer lui-même contre les ennemis du dehors et nécessiter des dépenses sur lesquelles ils sont à coup sûr loin de compter ? Ce n’est pas tout. Chez les Tonkinois, comme chez les Chinois, il n’y a pas de grandes fortunes, mais il n’y a pas non plus de grandes misères ; j’en excepte, bien entendu, celles que la domination annamite a pu produire. Au Tonkin, comme en Chine, c’est le règne de la petite propriété et de la petite industrie. Très peu d’ouvriers salariés,