Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/244

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attendre la mort avec courage, il conseillait aussi de la prévenir. C’est, disait-il, la mort volontaire qui permet à un homme isolé, au plus faible et au plus chétif des hommes, de tenir tête au maître du monde. Elle lui donne des forces en face de ce pouvoir sans limite par la pensée qu’il peut toujours lui échapper, et il ne se regarde pas comme tout à fait esclave, puisqu’il lui reste la liberté de mourir. En Chine, il ne saurait être question de se délivrer d’une tyrannie ; mais il peut arriver, comme chez nous-mêmes, que l’on épuise tous les moyens de juridiction sans obtenir justice, ou bien que, accusé, on ne puisse prouver son innocence ; alors, le désespoir, la conscience de son droit et la loi offrent au malheureux un dernier recours et un dernier moyen d’avoir raison contre l’évidence même. Il peut, devant la porte de son accusateur ou de son persécuteur affirmer par sa mort la vérité de ses déclarations. Son ennemi est ensuite poursuivi comme coupable de meurtre. Un Chinois avait défriché et cultivé un lopin de terre dépendant d’une propriété de l’évêque de Pékin ; les récoltes y venaient bien, ce que voyant, les chrétiens veulent lui reprendre le terrain. Mais la loi est pour le paysan et lui en garantit l’usufruit. Alors, les chrétiens entreprennent de l’en dégoûter, lui jouent tous les mauvais tours possibles, et finalement vont, par une belle nuit, couper ses récoltes sur pied. Le paysan se plaint ; le procès, grâce au prestige dont l’évêque était encore couvert en 1862, traîne en longueur ;