Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/261

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moi, comme pour m’inviter à m’en assurer, il porta lui-même la tasse à ses lèvres en écartant légèrement la surcoupe et en aspirant lentement. Je suivis son exemple. C’était exquis. La liqueur, très claire, jaune comme de l’or pâle, aussi odorante que la fleur même du thé, flattait l’œil et laissait à la bouche un goût doux et suave véritablement délicieux. Il devina ce que j’éprouvais. « N’est-ce pas, vieux monsieur ? Oui, frère aîné, vous avez raison, la saveur de l’orange est grossière auprès de celle-ci. — Un de nos poètes compare la fleur de thé à la joue d’une jeune fille. » J’avouai ne pas avoir songé à ce rapprochement, et je reconnus que l’idée pouvait être juste. « Et, lui dis-je, récoltez-vous beaucoup de thé de cette qualité-là ? — Hélas ! non, monsieur ; comment cela se pourrait-il ? on le cueille à peine éclos. Un meou[1] n’en produit pas plus d’une livre. — C’est peu, en effet ; mais tout dépend du prix que vous le vendez. — Les marchands nous l’achètent près de deux ligatures[2] la livre. Ce n’est guère. Mais cette première récolte ne retarde pas beaucoup les autres, et c’est autant de gagné. — Et l’avez-vous déjà vendue ? — Non, vieux monsieur, elle n’est pas encore prête. Dans quelques jours seulement nous la porterons au marché, sauf ce que nous avons l’habitude de garder pour les amis qui nous viennent visiter. — Eh bien, monsieur, de celui

  1. Un quinzième d’hectare.
  2. La ligature de 1,000 sapèques vaut environ 5 francs.