Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/87

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santerie : « J’ai bien envie d’inviter Leurs Excellences à déjeuner avec moi », dis-je à la foule des paysans qui m’entouraient. — « Mais ce ne sont pas des hommes, me répondit l’un d’eux à l’air un peu simple, ils ne mangent pas. — Eh bien, s’ils ne mangent pas, que font-ils à table ? » répliquai-je. — J’entends encore leur éclat de rire. En un clin d’œil, chacun s’y mettant, l’autel fut débarrassé, et les bonshommes furent mis par terre, sans beaucoup de cérémonie. Dès lors, quand je me trouvais dans les mêmes circonstances, je priais tout bonnement quelqu’un des curieux de me rendre le même service, ce que l’on faisait toujours avec empressement. Une autre fois, pendant une grande sécheresse, j’entre dans une petite ville dont presque tous les habitants étaient en procession dans les champs. Je vais faire au sous-préfet ma visite habituelle. Il était absent. Sur le soir, il se fait annoncer, et je le vois arriver, marchant lentement, comme un homme fatigué. « Tous ces gens-là, me dit-il après s’être excusé de ne pas s’être trouvé chez lui, et en désignant le peuple qui assistait à la visite, sont bêtes comme des oies. Ne se sont-ils pas imaginé de faire une procession pour obtenir de la pluie et de me forcer à les accompagner ! C’est stupide, ils le savent bien et moi aussi ; mais, que voulez-vous, il faut bien, de temps à autre, sacrifier à leurs fantaisies. » Cela était dit d’un ton bonhomme et tout le monde riait. « Mais, à propos, ajouta le sous-préfet, comment faites-vous pour vivre ? Ils ont juré de ne pas manger de viande