Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/210

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vous aurez Arès pour allié. Si le sol reçoit fruit pour fruit et sang pour sang, la terre vous sera propice, elle qui, autrefois, a enfanté une moisson d’hommes aux casques d’or ; et il faut que celui-ci meure, qui est de cette race et issu des dents du Dragon. Toi et tes enfants vous êtes le seul reste pur de cette race, par ta mère et tes ancêtres mâles. Les noces de Haimôn empêchent qu’il soit sacrifié, n’étant plus vierge, car, bien qu’il n’ait pas atteint le lit nuptial, il est cependant fiancé. Mais si ce jeune homme meurt, voué à la Ville, il sauvera la terre de la patrie. Et il donnera un retour amer à Adrastos et aux autres Argiens, couvrant leurs yeux d’une ombre fatale et rendant Thèba illustre. Choisis entre ces deux sorts, l’un ou l’autre, de sauver ton fils ou la Ville. Pour ce qui dépend de moi, tu sais tout. Mène-moi dans ma demeure, fille. Quiconque se livre à la divination est insensé. S’il dit des choses pénibles, il est odieux à ceux par lesquels il est consulté ; s’il parle faussement par compassion, il viole les droits des Dieux. Il fallait que Phoibos seul révélât les oracles, lui qui ne craint personne.




LE CHŒUR.

Kréôn, pourquoi te tais-tu ? Pourquoi garder le silence ? Je ne suis pas moins stupéfaite que toi.

KRÉÔN.

Que dire ? Je parle assez clairement. En effet, jamais je n’en viendrai à ce point de malheur de sacrifier mon fils à la Cité. La nature de tous les hommes est d’aimer leurs enfants, et aucun d’eux ne donnerait son propre fils à