Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/228

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ruèrent l’un contre l’autre avec un élan terrible, et, comme des sangliers aiguisant leurs défenses cruelles, ils engagèrent le combat, les lèvres souillées d’écume. Et ils s’attaquaient avec leurs lances, mais ils se couvraient de leurs boucliers ronds, et le fer retombait inutile. Si l’un voyait l’œil de l’autre dépasser le haut du bouclier, il dirigeait sa lance au visage, désirant le prévenir ; mais ils cachaient habilement leurs yeux sous les boucliers, afin que la lance restât inutile. Et ceux qui regardaient étaient plus inondés de sueur que les combattants, à cause de la crainte qu’ils ressentaient pour leurs amis. Étéoklès, heurtant une pierre du pied, posa une jambe hors du bouclier ; alors Polyneikès, voyant cette place offerte au fer, la perça de la lance argienne, et toute l’armée des Argiens poussa des exclamations ; mais Étéoklès, déjà blessé, voyant l’épaule de son frère découverte dans cet effort, s’efforça d’enfoncer violemment sa lance dans la poitrine de Polyneikès, et rendit la joie aux citoyens de la ville de Kadmos ; mais il rompit la pointe de sa lance. Alors, pour suppléer cette perte, il recula, et, saisissant une roche, il brisa la lance de Polyneikès par le milieu. Étant ainsi privés de leurs lances l’un et l’autre, Arès était égal entre eux. Donc, saisissant les poignées de leurs épées, ils s’attaquèrent de près, et, heurtant leurs boucliers, ils combattirent à grand bruit en tournant l’un autour de l’autre. Mais Étéoklès, par une pensée imprévue, usa d’une feinte thessalienne qu’il avait apprise pendant qu’il habitait ce pays. Cessant l’attaque, il ramène en arrière son pied gauche, et, portant en avant son pied droit, il enfonce son épée à travers le nombril jusqu’aux vertèbres du dos. Et le malheureux Polyneikès, les flancs affaissés, tombe tout sanglant. Alors Étéoklès, fier et victorieux, et jetant