Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/266

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point encore d’amis, et je viens pour ton bien, femme, de peur que tu sois renvoyée indigente avec tes enfants, ou que tu manques de quelque chose. L’exil entraîne avec soi beaucoup de maux, et, bien que tu me haïsses, je ne pourrais jamais te vouloir du mal.

MÈDÉIA.

Ô le plus scélérat des hommes ! — car je dois donner le plus outrageant des noms à ta lâcheté, — tu es venu à moi comme un ennemi des Dieux, de moi-même et de toute la race des hommes. Il n’y a ni fermeté ni courage à regarder en face des amis qu’on a outragés, et l’impudence est le plus grand des vices chez les hommes. Cependant, tu as bien fait de venir, car je soulagerai mon cœur en t’injuriant, et tu gémiras d’entendre mes paroles. Mais je commencerai par le commencement. Je t’ai sauvé, comme le savent tous les Hellènes qui montèrent avec toi la nef Argô, envoyé que tu étais pour mettre sous le joug les taureaux qui soufflaient des flammes, et pour ensemencer le Champ mortel. Et après que j’eus tué le Dragon vigilant qui gardait la Toison d’or en l’enveloppant de ses replis répétés, je te rendis la lumière du salut. Moi-même, ayant abandonné mon père et ma demeure, je vins avec toi à Iolkos Pèliotide, plus empressée que sage. Et je tuai Pélias de la façon la plus lamentable qui soit de mourir, par ses propres filles ; et je te délivrai de toute crainte. Et, couvert de mes bienfaits, ô le plus scélérat des hommes, tu m’as trahie, et tu as pris un nouveau lit nuptial, quand tu avais déjà des enfants ! Si, en effet, tu n’avais pas eu encore d’enfants, tu serais pardonnable d’avoir désiré ce lit. Mais la foi du serment s’en est allée, et je ne sais si tu penses, ou que les Dieux qui régnaient alors