Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/508

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THÈSEUS.

Ce héraut est habile, et serait éloquent à l’occasion. Mais puisque tu as engagé cette course, écoute, car c’est toi qui as commencé cette lutte de paroles. Rien n’est plus funeste à la Cité qu’un tyran. D’abord les lois ne sont plus communes à tous ; un seul commande, est le maître et possède la loi qui n’est plus égale. Mais, par les lois écrites, le riche et le faible ont un droit égal, et il est permis aux plus pauvres de blâmer le puissant, quand celui-ci fait mal parler de lui, et le moindre peut vaincre le plus fort, s’il soutient une cause juste. Ceci est la liberté : — Qui veut proposer quelque chose pour le bien de la République ? — Celui qui le veut se manifeste ; celui qui ne le veut pas se tait. Quelle plus grande égalité y a-t-il dans une Cité ? Là où le peuple est souverain, il se réjouit des citoyens courageux qui s’élèvent ; mais un tyran pense qu’ils sont ses ennemis, et il tue les meilleurs qu’il juge sages, craignant pour sa tyrannie. Comment donc une Cité pourrait-elle être fermement établie, quand un homme enlève les citoyens courageux et moissonne les jeunes hommes, comme on fait des épis dans un champ printanier ? À quoi sert d’amasser des richesses et des biens pour ses enfants, afin qu’un tyran ait une vie plus opulente ? Ou qui voudrait élever ses filles vierges dans ses demeures pour les voluptés futures d’un tyran, dès qu’il en aura la volonté, et pour causer les larmes de leurs parents ? Puissé-je ne plus vivre plutôt que de voir mes filles ainsi violées ! Et c’est ainsi que je réponds à tes paroles. Mais qu’es-tu venu demander à cette terre ? Tu gémirais d’être venu, toi qui te répands en paroles vaines, si une Cité ne t’avait pas envoyé, car celui qui a rempli