Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à celui-ci. Tu dis avoir tué mon fils afin d’épargner un double travail aux Akhaiens et à Agamemnôn ; mais, ô le plus mauvais des hommes, il n’y a jamais eu d’amitié entre les Barbares et les Hellènes, et il ne peut en exister. Or, dans quel intérêt as-tu donc montré un tel zèle ? Est-ce en vue de quelque alliance ou de quelque parenté ? Par quelle raison ? Craignais-tu que, passant de nouveau la mer, ils vinssent ravager les productions de ta terre ? À qui penses-tu persuader cela ? Si tu voulais être véridique, c’est ton avidité, c’est son or qui a tué mon fils. Car, enfin, dis-nous ceci : Pourquoi, quand Troia était heureuse, quand la ville était ceinte de tours, quand Priamos vivait, quand la lance de Hektôr florissait, lorsque tu nourrissais cet enfant dans tes demeures, pourquoi, puisque tu voulais être utile à Agamemnôn, n’as-tu pas tué mon fils alors, ou ne l’as-tu pas amené, vivant, aux Argiens ? Mais, dès que notre lumière s’est éteinte, dès que la fumée de la Ville a démontré la victoire de nos ennemis, tu as tué l’hôte de ton foyer ! Par surcroît, écoute les autres preuves de ta méchanceté : Si tu étais l’ami des Akhaiens, ne devais-tu pas apporter cet or, qui n’est pas tien, mais celui de mon fils, et le donner à ceux-ci qui manquent de tout et qui vivent loin de la terre de la patrie depuis si longtemps ? Mais tu ne l’as point laissé échapper de ta main, et tu le gardes encore dans tes demeures. Et, cependant, si tu avais nourri mon enfant, comme tu le devais, et si tu l’avais sauvé, que ta gloire eût été grande ! C’est dans le malheur que les vrais amis se révèlent, car la prospérité a toujours des amis. Si tu manquais de richesses, mon fils, heureux, n’eût-il pas été un grand trésor pour toi ? Mais voici que, maintenant, tu n’as plus cet ami, et que cet or et tes enfants te sont