Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/172

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récit étranger que je l'ai pleuré, je l'ai vu de mes yeux égorgé au pied de l'autel de Jupiter Hercéen (33), et avec lui j'ai vu tomber son empire; et mes filles, que j'élevai pour d'illustres hyménées, c'est à d'autres qu'elles sont échues en partage ; on les arrache d'entre mes bras, et il ne me reste plus d'espoir d'être jamais revue par elles, et moi-même je ne les reverrai jamais. Enfin, pour mettre je comble à mon malheur, je deviens dans ma vieillesse, esclave des Grecs, ils m'imposeront les services les plus humiliants pour mon grand âge ; moi, la mère d'Hector, on me chargera de veiller aux portes et de garder les clefs, ou de faire le pain ; réduite à coucher sur la terre mon corps épuisé, qui fut habitué à la couche royale, et à revêtir mes membres déchirés des lambeaux déchirés de la misère. Ah ! malheureuse ! que de calamités l'amour d'une seule femme a-t-il attisées sur ma tête ! O ma fille, ô Cassandre, qui partages les transports des dieux, quel revers a flétri ton innocence!... Et toi, infortunée Polyxène, où es-tu? Dans ma postérité si nombreuse, ni un fils ni une fille ne peut soulager mon infortune.- Pourquoi me relever ? Dans quelle espérance ? Conduisez mes pieds, jadis délicats au temps de Troie, et esclaves aujourd'hui, conduisez-les sur la terre qui doit me servir de couche, vers la pierre où je dois reposer ma tête, pour que j'y tombe et que j'y meure consumée par mes larmes. Et apprenez par mon exemple, qu'avant la mort, nul ne mérite le nom d'heureux.

LE CHOEUR.

[512] Muse, chante-moi, au milieu des larmes, un nouvel