Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/369

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cette barbarie, ne cherche pas à l’apprendre ; je me tairai, car que te servirait de le savoir ?

Teucer.

Femme, je te rends grâces ; puissent les dieux te récompenser de tes bienfaits ! Tu as les traits d’Hélène, mais ton cœur est bien différent. Puisse-t-elle périr dans l’angoisse et ne jamais revoir les bords de l’Eurotas ! Toi, femme, puisses-tu vivre toujours heureuse !

(Il sort.)
Hélène.

Ô quelles douleurs cruelles j’ai à déplorer ! À quel genre de lamentations m’abandonner ? quels accents ferai-je entendre ? des sanglots, des chants funèbres ou des cris de désespoir ?

Vierges ailées, filles de la Terre, Sirènes mélodieuses[1], venez accompagner mes gémissements avec le son plaintif du chalumeau ou de la flûte libyenne ; que vos larmes soient en accord avec mes maux déplorables, vos douleurs avec mes douleurs, vos chants avec mes chants ; que Proserpine envoie des chœurs lugubres répondant à mes lamentations, afin que dans le séjour ténébreux l’époux que je pleure reçoive avec joie nos hymnes en l’honneur des morts.


Le Chœur.

J’étais au bord de la mer azurée à étendre sur le gazon frais et sur les tendres roseaux des robes de pourpre, pour les exposer aux rayons dorés du soleil[2]. Tout à coup des

  1. On plaçait souvent des figures de sirènes sur les monuments funèbres ; peut-être le tombeau de protée en était-il orné.
  2. Jules Pollux, I, 49 : « La teinture de pourpre aime le soleil, la lumière ranime son éclat, et rend ses reflets plus vifs et plus brillants. »