Page:Europe (revue mensuelle), n° 124, 04-1933.djvu/110

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les faits capitaux de tous les temps : aux habitations lacustres comme à l’existence des dessins exécutés par l’homme des cavernes ; à la Guerre de Troie comme à la philosophie de Socrate ; à l’apparition de César comme à celle du Christ ; aux Croisades comme à la Renaissance.

Parmi les interprétations qu’on donnait, à l’aide de cette science, aux faits et gestes de l’humanité, il y en avait qui arrachaient à Adrien des cris d’admiration, tellement elles étaient vraies. Mais il ne comprenait pas pourquoi on expliquait de la même manière l’éphémère Cromwell et l’éternel Shakespeare, la machine à vapeur et Byron, la misère du paysan roumain et le pessimisme splendide de la poésie du génial bohème Eminescu. Tempérament, caractère, personnalité, arbitraire, n’existaient pas. La même litanie pour expliquer la totalité, l’universalité des événements de la vie.

« Ainsi, se disait-il, si je viens au socialisme, ce serait parce que je suis pauvre. Eh bien, non : j’en ferais autant si j’étais riche. Bien mieux, au cas où le socialisme ne changerait rien à l’injustice des hommes, je serais capable d’obliger mes concitoyens à être justes, en leur flagellant les fesses. Pourvu qu’on me donne le pouvoir absolu d’appliquer la justice par tous les moyens. Que fiche-t-elle ici, la conception matérialiste de l’histoire ? Je suis un révolté, non pas parce que pauvre, mais parce que généreux. Je me moque de toutes les faveurs dont la vie me comblerait, si je dois vivre au milieu d’une souffrance universelle ! Et si tel penseur pauvre était pessimiste, tel autre l’était autant, quoique régnant sur un immense empire. »

De là, il concluait à la fragilité de la doctrine socialiste, qui prévoyait la disparition de l’injustice pour le jour où les causes économiques actuelles de cette injustice auront disparu :

« Si le cœur de l’homme égoïste ne change pas au spectacle de l’exemple et par la force de l’éducation, il n’y a pas d’ordre social qui puisse changer la face du monde. Dans la plus parfaite égalité des droits la canaille trouvera toujours moyen d’opprimer le faible. Et je ne crois pas à la bonté angélique de ma classe. Je ne crois pas davantage à l’égalité des droits parmi les hommes. Tel acte peut s’appeler justice