Page:Europe (revue mensuelle), n° 96, 12-1930.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Notre noaten a disparu depuis hier soir et je le cherche encore ! Le père m’a dit de ne plus rentrer sans lui !

La jeune fille réchauffa son petit frère, le serrant dans ses bras, alors que son regard se croisait, anxieux, avec celui du jeune homme :

— Vois-tu où il est le noaten ?

Minnkou le voyait aussi bien qu’elle et répondit, abattu :

À la cour.

« À la cour », c’était chez le seigneur terrien de l’Embouchure, le jeune boyard Mândresco, qui, lui aussi, aimait Minnka. Et là c’est une autre histoire.

Un boyard peut avoir un cœur aimant comme toute bête humaine, mais il a, en même temps, beaucoup plus de terre qu’il ne lui en faut pour vivre humainement. Il en résulte que le cœur du boyard perd de sa pureté, dans la mesure où une multitude de paysans sont privés de leur pain quotidien.

C’était le cas de Mândresco et des paysans de l’Embouchure, vers la fin du siècle dernier.

L’homme n’était pas méchant. Il n’avait fait qu’accepter ce qu’un père cupide avait acquis et lui avait remis entre les mains. Pour le reste, ce sont les lois du pays qui s’en chargent. Et, entre autres choses, ces lois disent que lorsque le bétail des paysans entre dans les récoltes du boyard et y fait des dégâts, l’animal doit être conduit « à la cour » et rester confisqué jusqu’au paiement d’une amende proportionnelle aux dommages.

Mândresco n’abusait pas de ce droit que lui conférait la législation. Souvent, il « pardonnait ». D’autres fois, il était très sévère, notamment quand il s’agissait de la confiscation, parfois mystérieuse, du bétail des paysans les plus incapables de payer l’amende. Il ne