Page:Europe (revue mensuelle), n° 96, 12-1930.djvu/119

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— Que veux-tu, les jeunes filles doivent se marier…

— Mais, fauter, ce n’est pas se marier ! ragea Zamfir.

— Et Minnkou, ne l’a-t-il pas demandé en mariage ?

Zamfir regarda son ami, les yeux mouillés :

— Pourquoi dis-tu des bêtises ? Tu sais bien que Minnkou ne « demande » rien. Il prend. Il a pris Tsatsika.

— Alors, tu le hais !

Cette question fit sourire l’autre tristement :

— Tu as oublié les choses de notre Embouchure. Comment haïr Minnkou ? Ne te souviens-tu plus de lui ?

— Je m’en souviens, mais, voilà : il nous fait du mal !

— Le Sereth aussi fait du mal, quand il inonde : peut-on le haïr ?

Les deux gamins restèrent longtemps silencieux, puis, Zamfir reprit :

— D’ailleurs, les choses ont bien empiré, dans notre Embouchure.

— Quelles « choses » ? Le Sereth ?

— Non, le Sereth est resté le même. Il vient ; il s’en va, il fait du mal et du bien. Seulement, pour « couper », maintenant, il faut avoir un premis.

— Un permis ? Depuis quand ?

— Depuis ces deux dernières années.

— Qui a inventé une pareille affaire ? Les marais ne sont à personne !

Zamfir se replia sur lui-même, comme un vieil homme accablé. Sa main décrivit en l’air le geste qui indique que vous n’y êtes plus :

— Les marais ne sont à personne ! Ça, c’était autrefois. Aujourd’hui les marais sont à celui qui peut payer douze francs pour le premis. Donc, plus de marais, pour nous autres. Et tu sais que sans les ma-