Page:Europe (revue mensuelle), n° 96, 12-1930.djvu/124

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autres. Rien pour elle, par coutume. À la fin, par coutume également, elle dut prendre modestement place, près de sa mère, d’où son visage resplendissait de colère retenue. Elle ne devait rester là que le temps de se faire voir, puis se retirer.

Sima en profita :

— Eh bien, chère mademoiselle, tout ce que je puis vous dire c’est qu’un riche foyer et un cœur tendre vous attendent, pour que vous soyez leur maîtresse !

Minnka le regarda droit dans les yeux :

— Parlez à mes parents, Monsieur, dit-elle, ramassant le service et sortant.

Sima parla, bien entendu :

— Oui, je comprends sa gêne : elle a fauté. Eh bien, je n’en fais pas cas et je vous la demande telle qu’elle est. Je vous prie même de décider le jour des fiançailles. Vous comprenez mon empressement : j’ai une grosse maison qui manque de maîtresse ; j’en suis toujours absent, à cause de mes affaires de céréales ; on me pille sans vergogne, depuis le caissier jusqu’au dernier garçon. Je veux en finir !

« Inutile de vous dire qu’elle sera plus qu’heureuse, car, le bonheur, ce n’est pas l’amour, mais le bien-être. Et de ce bien-être, vous goûterez, vous aussi.

« Allons, père Alexe, donnez-moi votre main, et promettez-moi que Minnka sera bientôt ma femme ! »

Père Alexe prit la main de Sima et la serra fortement :

— Je te la promets, Sima !

Catherine, à la dérobée, foudroya du regard son frère et courut à la cuisine :

— Minnka ! Fuis ! Fuis cette nuit-même ! Va-t’en de par le monde !

Minnka tomba dans les bras de sa jeune tante et l’écrasa sur sa poitrine.

PANAÏT ISTRATI.

(À suivre).