Page:Europe (revue mensuelle), n° 97, 01-1931.djvu/65

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en sera responsable devant Dieu. Et en attendant Dieu, Minnkou est bien capable de leur faire subir, à tous deux, sa justice à lui. »

Dehors, la beauté du ciel calme lui donna envie de faire quelques pas. Il détacha son chien et alla, en sa joyeuse compagnie, rôder autour de son habitation.

La nuit, la sauvagerie du lieu, sa propre angoisse le saisirent tout de suite à la gorge. Andreï Ortopan fléchit le genou :

— Seigneur ! Seigneur ! pourquoi as-tu choisi ta créature la plus fragile pour l’accabler de détresse qu’ignorent des êtres plus forts que lui ? Ton indigne serviteur te remercie des passions dont tu lui comblas le cœur, mais voici le jour de l’échéance : tu frappes mon fils et endeuilles ma vieillesse ! Doit-on toujours payer ? Et pourquoi ? Quel est le sens de ton œuvre ? À quoi bon tant sentir puisque, plus on s’élève au-dessus de l’animalité, et plus on rachète ses joies par d’impitoyables souffrances ? Dieu grand ! Pardonne à ton pécheur ! Soulage mon fils !

Dieu, qui est incompréhensible, pardonna à Andreï Ortopan et soulagea promptement son fils. Il lui envoya sa bien-aimée Minnka.

Elle s’était glissée comme une ombre, un paquet sous le bras, pendant qu’Ortopan priait et que son chien le regardait avec étonnement. Le vieux, pas plus que son compagnon, ne se doutait de rien. Il enferma le chien dans la grande cage à barreaux qui le défendait contre une possible incursion nocturne des loups et lui permettait, en même temps, de veiller sur l’habitation, puis, rentra. Et tout de suite ses yeux cherchèrent le corps de Minnkou, qu’il avait laissé allongé à terre, mais le corps n’y était plus :

— Que le Seigneur soit loué ! s’exclama l’ancien prêtre. Il a tout de même pu se lever et monter dans son grenier. C’est un miracle !