Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/130

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individu dans l’intérêt de la communauté, et qui lui est retirée par le ciel aussitôt qu’il se montre oublieux de son devoir et indigne de son mandat. Il suit de ce fatalisme politique qu’aux époques de révolution les luttes sont terribles jusqu’à ce que de grands succès et une supériorité bien marquée soient devenus, pour les sujets, comme un signe de la volonté céleste : alors les peuples se rallient facilement au nouveau pouvoir et lui sont soumis longtemps sans arrière-pensée. Le ciel avait un représentant, un fils adoptif, il l’a abandonné et lui a retiré ses pouvoirs ; il s’en est choisi un autre et il veut qu’on lui obéisse : voilà tout le système[1].

L’Empereur, Fils du Ciel, et par conséquent père et mère de l’empire, selon l’expression chinoise, a droit au respect, à la vénération, au culte même de tous ses enfants. Son autorité est absolue ; c’est lui qui fait la loi ou l’abolit, qui accorde les privilèges aux mandarins ou qui les dégrade ; à lui seul appartient le droit de vie et de mort ; nul pouvoir administratif et judiciaire qui n’émane de lui ; toutes les forces et tous les revenus de l’empire sont à sa disposition ; en un mot, l’État c’est l’empereur. Mais son omnipotence va encore plus loin, car ce pouvoir, si énorme et si étendu, il peut le transmettre à qui il lui plaît et choisir son successeur parmi ses propres enfants, sans qu’aucune loi d’hérédité vienne le gêner dans son choix.

Le pouvoir, en Chine, est donc absolu en tout point ; mais il n’est pas pour cela despotique, comme on est assez porté à le croire ; ce n’est autre chose qu’un fort et

  1. C’est bien d’après ce système que le prétendant actuel a pris le nom de Tien-té (Vertu céleste).