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vrance, la visite pathétique de son père et de ses enfants, tout cela avait été comme une époque et devait laisser en nous de bien vifs souvenirs. Le temps est un profond mystère, et l’âme humaine seule est capable d’en apprécier justement la durée. Vivre longuement, c’est penser et sentir beaucoup.

Nous avions encore à choisir entre la route par eau et la route par terre, car le cours du fleuve Bleu nous conduisait justement au prochain relais. La dernière navigation nous avait si bien réussi, que nous eûmes envie d’en essayer une seconde fois. Nous étions assurés par avance de trouver, sur ce point, les gens de l’escorte tout à fait de notre avis. En bateau on allait plus vite, plus commodément et avec beaucoup moins de dépenses. On pouvait ainsi réaliser d’énormes profits, qu’on divisait ensuite entre tous, de manière, toutefois, que les mandarins eussent toujours la plus grosse part. Les porteurs de palanquin y trouvaient également leur avantage ; car, après avoir passé la journée à jouer aux cartes, ils ne manquaient pas de recevoir leur salaire accoutumé. Pourvu que la navigation ne fût pas dangereuse et qu’on nous donnât une bonne barque, nous étions nous-mêmes tout heureux de pouvoir procurer ces nombreux agréments à nos conducteurs.

Cette nouvelle expérience fut couronnée d’un plein succès et nous réconcilia avec le fleuve Bleu, pour lequel nous avions d’abord éprouvé quelque antipathie. Nous rencontrâmes bien de temps en temps des endroits peu faciles, quelques récifs à fleur d’eau ; mais l’habileté et l’expérience des mariniers nous tirèrent toujours d’affaire sans avarie. Il était presque nuit quand nous