Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/492

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pûmes contempler tout à notre aise notre propre splendeur, sans crainte d’égarer nos admirations sur les lanternes du public. Le spectacle changeant et fantastique qui se déroulait le long de la route nous captiva longtemps et égaya beaucoup notre imagination. Les cavaliers qui allaient en avant, en véritables éclaireurs, étaient munis de grosses torches, répandant de grandes flammes rougeâtres avec une abondante fumée ; puis venaient les piétons, chacun avec sa lanterne d’une forme et d’une dimension particulières. Les palanquins étaient aussi illuminés par quatre lanternes rouges suspendues aux quatre coins de leur dôme. Toutes ces lumières, qui tantôt s’élevaient, tantôt s’abaissaient, suivant les inégalités du terrain, et se croisaient dans tous les sens par les nombreuses évolutions des voyageurs, offraient un aspect tellement divertissant, qu’on n’avait pas le temps de s’apercevoir de la longueur du chemin. Le reflet de cette grande illumination, se projetant au loin dans la campagne, éclairait à moitié les fermes, les moissons, les arbres, tous les objets de la route, et leur donnait les formes les plus bizarres. Toute la caravane était dans la joie ; un chantait, on quolibétait, et quelquefois on s’amusait à faire partir des pétards et à lancer dans les airs quelques fusées ; car il n’y a jamais, en Chine, de bonheur complet sans feu d’artifice. Notre domestique, Wei-chan, était, comme de juste, le plus heureux de la bande ; il venait de temps en temps voltiger autour de notre palanquin, et nous ne manquions jamais de lui donner ce qu’il cherchait, c’est-à-dire les compliments que méritait sa précieuse découverte.