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Page:Féron - La vierge d'ivoire, c1930.djvu/45

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LA VIERGE D’IVOIRE

Amable précéda ses visiteurs dans la cuisine, puis vers l’escalier qui conduisait au logement de la famille Beaudoin.

L’instant d’après Philippe et Lysiane étaient introduits dans la chambre d’Eugénie où se trouvaient déjà réunis la femme du restaurateur et ses enfants.

Philippe eut de la peine à reconnaître Eugénie : elle était si pâle, si amaigrie, si défaite !

Elle sourit en voyant Philippe et elle regarda attentivement Lysiane qu’elle vit rayonnante de santé et de beauté. Ses yeux se fermèrent brusquement et tous les traits de son visage parurent se crisper sous la torture d’une souffrance atroce. Mais cela ne dura pas. Eugénie releva ses paupières sur Philippe auquel elle sourit encore longuement.

— Comment allez-vous, Eugénie ? demanda le jeune homme. Ah ! comme j’ai eu du chagrin quand Adolphe est venu m’apprendre votre maladie !

La malade demanda :

— Et vous, Philippe, vous êtes heureux ?

Philippe se contenta de sourire, puis il dit :

— Eugénie, vous ne connaissez pas ma femme ?

— Non… mais je la vois si belle et si bonne que je suis bien contente pour vous !

— Oui, elle est bonne, Eugénie… bonne comme vous !

La malade sourit encore, et regardant Lysiane, elle demanda :

— Madame, voulez-vous me laisser embrasser votre Vierge d’Ivoire ?

— Certainement, Eugénie, je l’ai apportée. Je ne veux pas seulement que vous l’embrassiez, mais je veux que vous la gardiez, je vous la donne en priant que vous guérissiez.

— Madame, je veux seulement l’embrasser, et je serai guérie. Car j’ai fait un vœu…

— Oui ?

— J’ai promis de me faire religieuse, si je reviens à la santé.

— Vous avez promis ?

— J’ai juré, madame. Donnez-moi la Vierge d’Ivoire !

Lysiane lui tendit la statuette.

Longuement Eugénie la considéra sous les regards émus et attentifs de tous les personnages de cette scène qui n’osaient ni parler, ni remuer par crainte de troubler les pensées de la malade.

Après un moment, Eugénie porta la statuette à ses lèvres, et la rendant à Lysiane, dit :

— Gardez-la, madame, je suis mieux. Merci ! Je prierai pour vous, madame, pour vous aussi, Philipe, et toujours vous serez heureux !

Elle s’endormit… comme Adolphe s’était endormi, comme Lysiane s’était endormie également après qu’Hortense lui eût remis la statuette.

Alors Philippe dit à l’oreille d’Amable :

— Monsieur Beaudoin, c’est encore un miracle de la Vierge d’Ivoire… votre fille est sauvée !

— Dieu vous entende ! monsieur Philippe.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Revenue à la santé Eugénie Beaudoin avait tenu son serment : elle était entrée chez les Sœurs Grises pour vouer le reste de son existence aux œuvres de charité.

C’est à peu près à cette époque que les miracles accomplis par la Vierge d’Ivoire commencèrent à se répandre dans le pays. Beaucoup de malades, qui désespéraient de recouvrer la santé, disaient dans un accent de foi sublime :

— Ô Vierge d’Ivoire, venez à mon secours !

Chaque fois, la grande Vierge là-haut entendait ces voix et chaque fois elle exauçait les prières.


FIN