Page:Féron - Le Capitaine Aramèle, 1928.djvu/70

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constances, et Sir George est aussi de mon avis.

Whittle ricana lourdement et serra les dents.

— Voulez-vous savoir ce que je pense ? demanda-t-il en dardant son regard aigu dans les yeux troublés de sa femme.

Mrs Whittle, malgré toute sa bonne volonté de rester calme devant l’orage qui grondait, tressaillait violemment. Mais se reprenant aussitôt elle dit avec une moue dédaigneuse :

— Voyons, mon ami, ce que vous pensez…

— Vous allez le savoir, répliqua durement le major.

Il marcha de suite vers Parks, s’arrêta en face de lui et prononça durement :

— Parks, vous êtes un lâche !

Sir George, qui s’était rassit, se leva avec un air offensé et répliqua, hautain :

— Whittle, prenez garde de prononcer des paroles que je vous ferai rentrer dans la gorge !

— Vous ? Allons donc ! Je vous dis que vous êtes un lâche, parce que vous m’avez vendu après vous être fait mon complice !

— C’est assez ! commanda Parks sur un ton menaçant.

Mrs Whittle s’élança auprès de son mari et lui cria :

— Vous êtes fou, mon ami, allez vous coucher, puisque vous refusez de suivre le bon conseil qu’on vous donne !

— Arrière ! clama Whittle en repoussant brutalement sa femme, vous êtes une lâche vous aussi ! Parks ! ajouta-t-il en frissonnant de fureur, prenez votre épée !

Et, le premier, il dégaina.

— Vous voulez donc vous faire tuer ? demanda froidement Parks en tirant son épée à son tour.

— Ou je vous tuerai, riposta Whittle. Allez !

Il attaqua Parks qui para vivement.

À l’instant même le heurtoir de la porte d’entrée se faisait violemment entendre.

Les deux adversaires s’écartèrent l’un de l’autre, et Whittle dit en grondant :

— Quand nous aurons été débarrassés de ce visiteur importun, nous reprendrons.

— Comme vous voudrez ! répliqua avec calme Parks. Et il ajouta, ironique : Puisque vous tenez tant à vous faire tuer…

— Ou bien je vous tuerai ! interrompit rageusement le major. Et je vous tuerai certainement, ajouta-t-il, en frappant un meuble du plat de sa lame, pour vous empêcher de me prendre ma femme et de vous rire de moi !

Parks éclata de rire.

Mrs Whittle, indignée, clama :

— Vous parlez comme un vrai fou. Sam… Taisez-vous !

— Et si vous me tuez, Parks, poursuivit le major qui avait l’air de devenir tout à fait fou, avant de mourir, je tuerai ma femme !

— Horreur ! cria Mrs Whittle avec épouvante. Mais aussitôt elle poussa un long rugissement d’hyène, tira un court poignard de son corsage et, menaçante, gronda :

— Sam, si vous tentez de me tuer, je me défendrai !

— Gueuse ! hurla le major.

Il s’élança l’épée haute sur sa femme.

Mrs Whittle s’enfuit dans une pièce voisine, et le major allait l’y poursuivre, lorsqu’un domestique introduisit deux officiers qui se jetèrent sur Whittle, le désarmèrent en un tour de main et le maintinrent solidement.

— Whittle, dit l’un d’eux sur un ton froid, nous avons ordre de vous conduire auprès du gouverneur.

Le major regarda ces deux officiers, qui étaient de ses amis, avec une sorte d’hébétement. Puis il s’écroula sur un siège et se mit à pleurer.

Un silence se fit durant lequel Mrs Whittle, très livide et un mouchoir sur les yeux, rentra dans le salon. À Parks qui lui lança un coup d’œil d’intelligence elle sourit.

En apercevant sa femme, Whittle fut de nouveau repris par la fureur.

— Vipère ! râla-t-il.

Il voulut se ruer contre elle.

Les officiers le retinrent. Et celui qui avait parlé dit encore sur un ton autoritaire :

— Whittle, le gouverneur attend : venez si vous ne tenez pas à être traîné de force par nos soldats !

Le major fit entendre un sourd gémissement. Il se leva, lança à Parks un regard sanglant, à sa femme un regard de haine, et dit avec un juron :

— Allez, messieurs, je vous suis !