Page:Féron - Les cachots d'Haldimand, 1926.djvu/57

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À quelques pas de la caserne, Saint-Vallier arrêta ses hommes et leur murmura ces ordres :

— Il y a là deux sentinelles dont il importe de s’emparer, sans faire de bruit, et de les réduire à l’impuissance, il ne faut tuer qu’en cas d’absolue nécessité !

— C’est bon, dit un des quatre hommes, je me charge de cette besogne avec Duchêne.

— Et moi je les ligoterai, reprit Saint-Vallier, tandis que vous les maintiendrez, j’ai des cordes solides.

Saint-Vallier reprit sa marche suivi de ses hommes.

Les deux sentinelles, pour se dégourdir, marchaient devant la caserne tout en causant à voix basses ; ils étaient en train de commenter l’incident qui s’était passé une demi-heure auparavant, lorsque Foxham les avait éveillés et leur avait fait emporter les deux sentinelles tuées dans le living-room par les balles de Saint-Vallier. Trop intéressés à leur conversation les deux factionnaires n’entendirent pas Saint-Vallier et ses hommes s’approcher. Et soudain, sans même avoir le temps de jeter un cri d’alarme, ils furent saisis, renversés, bâillonnés et ligotés.

— Allez les jeter dans cette guérite ! commanda Saint-Vallier.

Cette opération avait été faite rapidement et sans bruit.

Puis Saint-Vallier entraîna ses hommes vers l’entrée principale des casernes.

Là, il commanda à deux de ses hommes de demeurer en faction et de le prévenir en cas de danger, et se fit suivre par les deux autres.

Saint-Vallier connaissait les aires de la caserne, il l’avait visitée une fois. En entrant, on se trouvait dans une grande salle, qui était la salle commune des soldats. Au fond il y avait une porte donnant sur un corridor qui conduisait au dortoir d’un côté, et de l’autre vers l’antichambre qui précédait le living-room de Foxham. La salle était à demi éclairée par une lanterne accrochée à une solive du plafond. Saint-Vallier décrocha la lanterne et dit à ses deux compagnons :

— Suivez-moi sans bruit !

Il se dirigea vers le corridor qu’il suivit jusqu’à l’antichambre. Là, il s’arrêta pour écouter une conversation à voix basse qui partait du living-room.

— Attention ! souffla-t-il à ses deux compagnons.

Il frappa rudement dans la porte.

— Qui va là ? demanda en anglais une voix à l’intérieur, mais une voix inconnue à Saint-Vallier.

Celui-ci ne répondit pas. Et comme rien ne bougeait, il frappa encore.

Cette fois il entendit un pas s’approcher de la porte, puis cette porte fut ouverte. Dans l’entre-bâillement un soldat apparut.

Saint-Vallier sauta dessus et le renversa.

— Ligotez ! commanda-t-il à ses hommes.

Ceux-ci s’empressèrent d’exécuter l’ordre.

Mais l’autre factionnaire jeta un cri d’alarme.

Saint-Vallier bondit jusqu’à lui et, lui mettant un poignard sur la gorge, dit à voix ardente et basse :

— Si tu cries encore, je te tue !

Le pauvre diable devint livide de peur.

Alors les compagnons de Saint-Vallier, qui avaient bâillonné et ligoté le premier factionnaire, s’approchèrent.

— Celui-ci, maintenant ! dit-il. Ah ! diable, nous allons manquer de cordes ! Maintenez-le, ajouta-t-il.

À l’aide de son poignard il coupa des lisières d’étoffe dans son manteau et en bâillonna et lia solidement le factionnaire.

— Et de quatre ! dit-il. Allons ! je pense maintenant que je vais pouvoir travailler en paix.

Il enjoignit à ses compagnons de faire le guet et il pénétra dans la chambre à coucher de Foxham. Il vit la trappe, l’ouvrit et hardiment descendit à la cave.

Il se trouva bientôt devant deux cachots faits de grosses pierres et fermés par des portes de fer solide et cadenassées.

Il examina durant un moment le cadenas du premier cachot, puis il tira d’une poche de son habit un petit poinçon qu’il introduisit dans le trou destiné à la clef. Il tourna le poinçon en tous sens… il travailla longtemps la sueur au front.

— Diable ! murmura-t-il à la fin, voici un cadenas compliqué !

Il prit sa lanterne et examina le second cadenas, il paraissait de même fabrique.

Comme s’il eût été découragé, il se mit à promener la lumière de sa lanterne autour de lui, et comme s’il eût cherché un outil quelconque pour briser le cadenas. Les rayons de la lanterne firent briller un objet au plafond. Saint-Vallier leva la tête et aperçut, accrochée à une solive, une clef. Il sourit, prit la clef, l’examina et pensa :

— Il n’y a aucun doute que cette clef sert à ouvrir ces cadenas, et c’est une précaution du gardien qui, pour ne pas s’exposer à la perdre, la laisse accrochée à ce clou.

Il alla de suite au premier cachot et introduisit la clef dans le cadenas. Mais avant de tourner, il écouta. Aucun bruit ne ve-