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était, me dépasser et arriver ici avant moi !…

Les sourcils froncés, il médita. Puis hochant la tête, il regarda ses hommes autour de lui et dit :

— Il faut faire disparaître ce cadavre !… Attendez ! ajouta-t-il au moment où des soldats allaient soulever le corps de Saint-Vallier.

Foxham s’était repris à réfléchir, il avait une idée, une idée qui le faisait sourire étrangement… cruellement. Mais, cependant, sa pensée le ramenait malgré lui à la citerne des Jésuites !

Foxham commençait à croire à la magie ! Oui… il fallait que ce Saint-Vallier fût sorcier !…

Mais n’importe : sorcier ou non, il y avait là un cadavre… un vrai cadavre celui-là… et, il n’y avait plus de doute possible, ce cadavre était celui de Saint-Vallier !

Foxham ricana sourdement.

Puis il appela quatre de ses hommes, les attira à l’écart et dit à voix basse :

— Vous allez prendre ce cadavre, le charger sur un brancard, puis vous vous dirigerez à la haute-ville et vous irez le déposer devant la porte de Darmontel. Tenez ! prenez ceci !

Et Foxham mit dans leurs mains une lourde bourse.

Puis il ordonna aux autres soldats de se retirer.

Quelques instants après, le cadavre de Saint-Vallier était emporté à la haute-ville.

Et Foxham ricanait encore en songeant :

— Oh ! si elle me dédaigne… je serai toujours bien vengé !

Il pensait à Louise Darmontel…


XIII

L’APPARITION


Saint-Vallier avait été déposé devant la porte de M. Darmontel et laissé pour mort. Mort ?… Certes, cette fois Foxham en était certain.

Il approchait quatre heures du matin.

La neige avait cessé de tomber, et il n’en avait tombé que juste pour couvrir et blanchir les toits des maisons et le pavé des rues. Mais le froid grandissait en même temps que commençait de souffler une bise du nord.

Tout à coup le supposé cadavre commença de s’agiter faiblement… puis un long soupir souleva la poitrine oppressée de Saint-Vallier qui, péniblement et lentement, se souleva, s’appuya sur un coude et regarda avec étonnement autour de lui.

Il frotta ses paupières et essaya de se mettre debout… il retomba en gémissant.

Durant cinq minutes il demeura tout à fait immobile, mais respirant avec difficulté. De nouveau il se souleva et, cette fois, mais non sans d’inouïs efforts, il réussit à se remettre sur pied.

— Où suis-je ? bégaya-t-il.

Il promena de nouveau ses regards autour de lui et ne parut pas reconnaître les lieux.

Il prit sa tête à deux mains et gagna la rue qu’il se mit à suivre en titubant comme un homme ivre.

Où allait-il ?… Il ne se le demandait même pas ! Il paraissait obéir à un instinct… mais à un instinct sûr, car au bout de vingt minutes de marche il se trouvait devant la crevasse qui s’ouvrait dans le mur des casernes des Jésuites.

Avec beaucoup de difficultés il parvint à se hisser, puis à se glisser par la crevasse tout en murmurant :

— Que doit penser Pierre ?… Car il est tard… j’aurais dû être de retour depuis longtemps !…

Saint-Vallier arriva sous la trappe de son cachot, monta sur la table et sur l’escabeau et frappa au panneau.

Rien ne répondit à son appel.

Il frappa encore… il s’impatienta…

Là-haut rien ne bougeait !

Il souleva le panneau, appuya ses deux mains aux bords de la trappe et par un prodigieux effort s’enleva de ses bras. Mais le lit de camp posé au-dessus du trou l’empêcha d’aller plus loin. Par un nouvel effort — et c’était invraisemblable cette fois ! — Saint-Vallier s’accrocha de son bras gauche au bord de la trappe et de sa main droite repoussa le lit de camp. Puis, ayant maintenant la voie libre, il se hissa tout à fait dans son cachot.

Il tressaillit fortement en apercevant la lumière d’une lanterne qui venait à lui, et il constata, avec le plus grand étonnement que la porte de sa mansarde était ouverte. Il s’avança pour la refermer… mais à la même minute l’être humain qui venait avec sa lanterne s’arrêta, éleva son luminaire dont le rayon frappa Saint-Vallier en plein visage.

Le jeune homme recula…

L’homme à la lanterne, qui n’était autre que le gardien qui revenait pour mettre le cachot à l’ordre pour obéir aux instructions de Foxham, poussa un cri terrible, se rua en avant, repoussa la porte, la verrouilla et la