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LA GALERIE DU GÉANT.

Percy était partagé entre deux émotions également puissantes : la souffrance et la joie. Il souffrait, parce que l’œuvre de sa vie entière s’échappait de ses mains affaiblies, parce qu’il se voyait sans bouclier désormais contre la haine aveugle, parce que le hasard l’avait fait tout à coup vulnérable, et qu’il y avait une tache cruelle à sa vie de soldat.

Il souffrait parce que tous les événements de la journée précédente revenaient, lucides et précis, à son esprit éveillé. Tandis que ses soldats mouraient, il avait fui. Il lui semblait entendre les malédictions plaintives de leur agonie ! Il avait fait, lui, le brave et le fort, ce que font les lâches et les faibles !

Et il y avait à Galway en ce moment même un homme qui avait juré sa perte, un ennemi mortel, le colonel Brazer, dont l’œil jaloux surveillait à toute heure sa conduite !

Autour du colonel se groupaient tous les magistrats dont il avait flétri la partialité ignorante ; tous les orangistes dont il avait neutralisé les instincts haineux et méchants !

Tous ces gens cherchaient depuis bien longtemps un défaut à sa bonne cuirasse. Ce défaut était maintenant trouvé ; ils pouvaient le frapper en plein cœur !