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QUATRIÈME PARTIE.

veille de voir sa mine futée et pateline, au milieu des pesantes physionomies des domestiques anglais. Son sourire obséquieux, où perçait une nuance de malice, faisait perpétuellement le tour de la table. Il remuait sans cesse, il enfilait l’une après l’autre toutes les exclamations irlandaises, qu’il prononçait avec respect et d’un ton d’admiration.

Les grooms, cartonnés dans leur livrée, suivaient ses mouvements sans fléchir le cou, sans plier le torse, se tournant tout d’une pièce comme des soldats de bois et riant de ce rire guttural des Londoners, qui est juste trois fois plus triste que les sanglots des autres hommes.

Tout en mangeant, buvant, caquetant et flattant, le pauvre Pat accomplissait assez bien la mission à lui confiée par Morris. Au beau milieu de son bavardage admiratif et flagorneur, il plaçait des questions auxquelles la froide valetaille répondait à peu près. Il logeait ce qu’il apprenait ainsi dans le meilleur coin de sa mémoire, et continuait à dévorer pour éloigner jusqu’à l’ombre du soupçon.

En définitive, Pat n’était point un mauvais éclaireur. Il ne pouvait pas en apprendre bien long, parce que les valets de Montrath n’étaient pas initiés aux secrets de leur maître ; mais il