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QUATRIÈME PARTIE.

Ils s’assirent fièrement par terre l’un auprès de l’autre.

— Ma sœur, demanda le garcon, vous souvenez-vous de la leçon que nous a faite hier notre père Gib avant de s’endormir ?

Su perdit son sourire.

— Je m’en souviens, répliqua-t-elle.

— Dites-la-moi, ma sœur, reprit Paddy, je crois que je l’ai oubliée…

La petite fille baissa les yeux ; son front, si joyeux naguère, devint triste.

— Hier matin, murmura-t-elle, notre pêre Gib nous fit une autre leçon… nous nous en sommes souvenus, Paddy… et que de pauvres gens sont morts, quelques heures après, dans les bogs !

Le garcon regarda sa sœur comme s’il ne l’eût point comprise ; puis il devint triste tout à coup à son tour.

— C’est vrai ! dit-il tout bas, comme ils souffraient !… comme ils tendaient leurs bras vers le ciel en criant !

— Je les ai revus cette nuit en rêve, reprit Su. Les pauvres malheureux !

Elle dénoua l’écharpe de soie pour s’en débarrasser. Les plis, en se déroulant, lui montrèrent deux ou trois taches rouges qu’elle n’avait point encore aperçues.