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Page:Féval - La Vampire.djvu/168

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LA VAMPIRE

Dubois sonna à tour de bras. M. Despaux entra presque aussitôt.

Il eût fallu un regard encore plus perçant que celui de M. le préfet de police pour saisir au passage le coup d’œil rapide qui fut échangé entre le nouvel arrivant et la comtesse Marcian Gregoryi.

— Aux Tuileries, sur le champ, un exprès ! ordonna Dubois. Le premier consul serait parti ce soir pour Fontainebleau…

— On vient d’en apporter la nouvelle, dit Despaux, et j’étais en route pour l’annoncer à M. le préfet.

Despaux sortit sur un signe de son chef.

— Le fait dont je voulais vous entretenir, reprit tranquillement la délicieuse blonde, est la mise en chartre privée, par moi, d’un jeune étudiant en droit, nommé René de Kervoz, gendre futur de Jean-Pierre Sévérin…

— Que le diable emporte celui-là ! s’écria le préfet du meilleur de son cœur.

— Et propre neveu, poursuivit la comtesse, du chouan Georges Cadoudal.

M. Dubois se dérida aussitôt et devint attentif.

— Un enfant, monsieur le préfet, étranger autant qu’il est possible de l’être à tous complots politiques, et que je retiens prisonnier précisément pour l’éloigner des scènes violentes qui auront lieu demain matin.

— Est-ce par lui que vous connaissez la retraite de Cadoudal ? demanda Dubois.

— C’est par lui.

— Il a donc trahi ?

— Il m’aime, répondit la comtesse Marcian Gregoryi en rougissant, non point de honte, mais d’orgueil.

— Maintenant que nous avons tout dit, monsieur le préfet, reprit-elle après un silence, convenons de nos faits. Je vous rappelle que je n’ai rien à solliciter de vous. C’est moi qui pose les conditions. Je pose pour condition première qu’aujourd’hui, à minuit, une force suffisante entourera la maison située chemin de la Muette, au faubourg Saint-Antoine, et dont voici le plan exact. (Elle déposa un papier sur le bureau.) Tous les affiliés de la ligue de la Vertu seront réunis dans cette maison. Vous aurez à faire main basse sur eux, et voici comment vous serez introduit : un de vos hommes se présentera à la porte donnant sur le chemin de la Muette et frappera six coups, espacés ainsi et non autrement : trois, deux, un. On ouvrira, on lui demandera : Qui êtes-vous ? Il répondra : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je suis un frère de la Vertu.

À la même heure, s’il se peut, ou immédiatement après,