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LE BOSSU.

charme pour endormir mes gardiens, dans la tente du chef des gitanos, ce nom de Gonzague vint pour la troisième fois frapper mes oreilles… À Madrid, encore Gonzague… Au château de Caylus, Gonzague encore !…

Dona Cruz réfléchissait à son tour.

— Don Luis, ton beau Cincelador, t’a-t-il dit parfois que tu étais la fille d’une grande dame ? demanda-t-elle brusquement.

— Jamais, répondit Aurore, — et pourtant je le crois.

— Ma foi ! s’écria l’ancienne gitanita ; — je n’aime pas à méditer longtemps, moi, ma petite Aurore !… J’ai beaucoup d’idées dans la tête, mais elles sont confuses et ne veulent jamais sortir… Quant à devenir une grande demoiselle, cela t’irait mieux qu’à moi, c’est mon avis… Mais mon avis est aussi qu’il ne faut point se rompre la cervelle à deviner des énigmes… Je suis chrétienne et cependant j’ai gardé ce bon côté de la foi de mes pères… de mes pères nourriciers… Prendre le temps comme il vient, les événements comme ils arrivent, et se consoler de tout en disant : C’est le sort ! — Par exemple, s’interrompit-elle, — une chose que je ne puis admettre, c’est que M. de Gonzague soit un coureur de grandes routes et un assassin… Il