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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/152

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semblait n’être point la sienne, les versets latins du de profundis.

Après quoi elle croisa ses mains sur ses genoux, et regarda le vide en disant :

« Il n’y a donc plus d’espoir ! »

Pour ceux qui ont le don d’épeler le cœur humain, ce mystérieux livre, il n’y aurait point en de doute : cette douleur était immense et profonde ; elle devait durer toujours.

De Mme Éliane il ne restait qu’une belle et glaciale statue dont les yeux ne sauraient jamais plus sourire et dont le cœur était changé en pierre.

Elle était morte, écrasée par un coup de massue.

Mais Renaud de Saint-Venant ne pouvait juger ainsi. Voyant ces yeux sans larmes et cette apparente froideur, il se disait déjà :

« Nous ne serons point une veuve inconsolable ! »

Et par le fait, en présence de l’audacieuse comédie jouée, ce soir même, par Mme Éliane, dans la chambre à coucher de M de Vendôme, bien des gens meilleurs que Renaud auraient pu penser comme Renaud.

La femme qui, dès la première heure de son deuil, trouve la présence d’esprit nécessaire pour combiner un plan difficile et la force de jouer un rôle hardi ne promet pas pour l’avenir l’entêtement des regrets incurables.

Le plan d’Éliane, aux yeux de Renaud, était d’une simplicité presque grossière. Soit qu’elle fut réellement la fille du vieux comte de Pardaillan, soit qu’elle eût inventé là une fable effrontée, il est certain que l’héritage ne pouvait lui venir par cette voie. Elle tenait ses droits légaux uniquement du chef de son mari et son mari seul, son mari vivant lors de la signature des actes de donation, pouvait transmettre à son fils les immenses domaines et le titre de comte.

Elle avait ressuscité tout uniment son mari pour les besoins de sa cause, quitte à déclarer sa mort en temps et lieu.

Le plan personnel de Renaud était encore plus simple, s’il est possible. Ce n’était point par sympathie, bien loin de là, qu’on l’avait choisi pour confident ou pour complice. Les circonstances avaient forcé la main d’Éliane, qui avait pris bravement l’instrument qu’elle eût voulu briser.

Il fallait prolonger, il fallait rendre fatal le besoin qu’Éliane avait de cet instrument détesté.

Il fallait être pour elle, dans toute la force du terme, l’homme nécessaire.

Pour cela, il était indispensable de faire d’abord la situation très-nette et d’en avoir le secret. Le moindre doute sur la réalité du décès de maître Pol devait modifier du tout au tout la conduite de sa veuve. Voilà pourquoi Renaud avait payé un cadavre mutilé au prix de quatre cents écus.

Mme Éliane lui avait dit :