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Page:Féval - Le Mari embaumé, 1866, tome 1.djvu/58

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— Peste, Guezevern, mon luron ! comme tu y vas !

— Madame ma tante de Pardaillan ajoutera six cents autres livres, continua le page, et nous serons heureux. »

Vendôme s’arrêta court devant un bahut richement historié qui était entre les deux fenêtres ; il l’ouvrit disant :

« Vive Dieu ! J’en aurai ou que je sois damné éternellement ! Réponds-moi : Sais-tu bien faire les chiffres, Tête-de-Bœuf ?

— Pour cela, non, monseigneur.

— C’est égal, M. le prieur sera content. Viens ça et cherche là dedans le livre des gages des gens de ma maison. »

Maître Pol obéit.

« L’as-tu ? Voilà qui va bien ! Je vais dîner comme quatre et courir les ruelles, cette nuit, ou que Dieu me punisse ! Vois en tête du livre quels sont les gages de l’intendant de Vendôme. »

Maître Pol étendit le registre sur la table et le feuiileta.

M. de Vendôme frisait sa moustache comme un vainqueur. Ses yeux avaient bien toujours ce regard étrange, mais il souriait, il chantait, il cabriolait mieux qu’un écolier de quinze ans.

« Y es-tu ? demanda-t-il.

— J’y suis, monseigneur.

— Lis. J’écoute.

— Gage principal, commença maître Pol, huit cents écus tournois, à payer en deux termes à la Saint-Jean et à la Saint-Sylvestre, plus deux suites de hardes neuves aux mêmes termes : hardes d’été, hardes d’hiver ; item le demi-sol pour livre sur toute redevance ou rente perçue ; item la dîme de la dîme dans les pays de coutume, tels que le Vendômois, le Nantais, pour les biens de Mercœur et la Sologne, item les épingles ou pots-de-vin, fixés au sol pour écu sur tous baux, achats, ventes et rémérés ; item la joyeuse étrenne, fixée aux quatre deniers pour livre en cas de rachat des servitudes ou droits domaniaux ; item

— Ventre-saint-gris ! s’écria M. de Vendôme, tu es un ennuyeux compère, Tête-de-Bœuf, mon fils ! Est-ce que tout cela me regarde ? M. le cardinal n’a qu’à se bien tenir ! Tu sais où trouver ce remède qui m’a guéri, n’est-ce pas ?

— Monseigneur, répondit le page, j’en aurai tant que j’en voudrai !

— Fais seller mon cheval, Guezevern, je vais aller goûter le claret de M. le grand prieur… attends ! Il faut que tu sois marié cette nuit, Tête-de-Bœuf ! C’est mon idée !

— Cette nuit ! répéta le page stupéfait.

— Tais-toi quand je parle, Bas-Breton ! je te nomme mon intendant.

— Oh ! monseigneur ! s’écria Guezevern, pénétré de son insuffisance.