Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/103

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Le vieux William, puisqu’on donnait encore cet autre nom à M. le baron d’Altenheimer, croisa ses longs bras sur sa poitrine et dit :

— Tu ne penses pas, Bobby, que je t’aiderai à jouer ce jeu-là ?

Bobby était peut-être, après tout, le vrai nom de Bénédict Solim, qui répliqua :

— Je suis aussi bon comédien que toi, William, et tu as besoin de moi plus encore que je n’ai besoin de toi.

Le grand eut un sourire de mépris, tourna le dos et alla remplir son verre.

— Écoute seulement, continua le petit, et tu verras si je sais combiner un plan d’attaque. Pendant que tu donnais ton portefeuille avec les billets de mille francs pour les d’Arnheim, ce qui n’est pas mal, je l’avoue, moi je méditais, ce qui est mieux. Je me suis approché à mon tour de monseigneur, et je lui ai dit : « Votre Grandeur veut-elle m’enseigner la demeure de ce respectable M. d’Arnheim ? » À voir comme nous y allions, Sa Grandeur a dû penser que la fortune de ses protégés était faite, j’ai eu l’adresse : rue de Courty, au coin de la rue de l’Université. Demain, je passe une demi-heure à faire de mon visage un tableau de maître, représentant une très respectable marquise, entre cinquante et soixante ans ; il y en avait une justement chez Monseigneur, je la copierai en beau. Je ne parle pas même du costume qui est une bagatelle. Ainsi transfiguré en douairière, j’arrive chez le d’Arnheim à l’heure où les douairières circulent, vers le milieu de l’après-dînée ; je me fais annoncer ; Mme la comtesse de…, ou de…, ou de…, un nom irrésistible, enfin, de la part de Mgr l’archevêque de Paris. J’entre ; je raconte comme quoi j’ai entendu hier au château de Conflans la jeune et intéressante virtuose. J’ai une nièce, ou la fille de mon pauvre fils aîné qui est mort. Je lui trouve beaucoup de dispositions pour la musique, et ce n’est pas étonnant, son père avait