Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/120

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Gaston s’enfuit avec sa proie. Nous ne saurions dire s’il vit le mendiant assis sur la borne qui faisait face à la porte cochère de l’hôtel de Montfort et la vieille pauvresse stationnant vis-à-vis de la maison habitée par M. et Mlle d’Arnheim. Il aurait pu les voir tous les deux, car il alla précisément de la porte cochère à l’humble entrée donnant sur la rue de Courty.

Ce que nous pouvons constater, c’est que le mendiant et la vieille pauvresse virent Gaston.

Chacun d’eux abandonna son poste pour un instant. Ils se rencontrèrent à l’angle des deux rues et échangèrent quelques paroles à voix basse.

Gaston ne fut pas plus d’un quart d’heure chez M. d’Arnheim. Il sortit, le visage rayonnant, et descendit à pied vers la rue de Lille. Le mendiant marcha derrière lui, tandis que la pauvresse continuait sa faction.

Le mendiant revint au bout d’une heure et dit à la pauvresse :

— Il a commandé une chaise de poste.

— Pour quand ?

— Je ne sais pas… Attendons la nuit.

Vers cinq heures, Gaston rentra à l’hôtel en cabriolet. Dès qu’il eut passé le seuil de la porte cochère, le mendiant alla vers la pauvresse et lui dit :

— Il va dîner avec sa mère : nous avons une heure pour en faire autant.

Ils s’éloignèrent ensemble et ne restèrent pas absents plus de vingt minutes.

C’était trop. Une sentinelle ne saurait avoir un bon prétexte pour abandonner son poste.

M. le marquis, en effet, ne rentrait pas pour dîner. On aurait pu le voir ressortir l’instant d’après à cheval et tourner encore une fois l’angle de la rue de Courty.

Une chaise de poste attelée venait de s’arrêter devant la maison de M. d’Arnheim. Celui-ci descendit en costume de voyage et prit place dans la chaise de poste, à côté de sa fille. Le postillon fouetta ses che-