Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/135

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— Oh ! se récria-t-on : ce soir, nous n’avons pas les frères Ténèbre !

Je ne répondrais pas qu’il n’y eut, çà et là, quelque petit frisson rétrospectif dans l’assistance. Plus d’un regard se tourna involontairement vers la porte d’entrée, près de laquelle s’étaient tenus si longtemps — la nuit de l’événement — M. le baron d’Altenheimer, avec sa longue figure blême, et monsignor Bénédict, le grand et le petit, l’eupire et le vampire.

— Ah çà ! demanda l’évêque d’Hermopolis en s’approchant, que sont devenus ces deux hardis aventuriers ?

La marquise Lénor devint pâle et tout le monde put le voir.

— Elle a eu sa migraine hier ! s’écria la princesse. Demandez cela à Gaston quand il viendra, monseigneur.

— C’est donc bien terrible ?

— Oui, c’est terrible… Laissons cela… Vous allez me la rendre malade !

C’était l’eau jetée sur le feu. Vingt voix suppliantes s’élevèrent.

— Il y a une histoire ! Dites-nous-la !

— Oh ! madame la marquise ! De grâce ! sacrifiez-vous.

Lénor eut un sourire triste.

— Ma mère, dit-elle en s’adressant à la princesse, je ne puis pas refuser à ces dames la fin d’une aventure où elles ont toutes joué un rôle. Le dénoûment est horrible. Je demanderai la permission d’être brève.

— Pas trop !… pria-t-on encore.

Le mot horrible n’est pas, à beaucoup près, aussi effrayant qu’on le croit. C’est selon les heures et les jours.

La charmante marquise de Lorgères se recueillit un instant, puis commença ainsi :

— Celui qui prenait le nom de baron d’Altenheimer, en vous racontant l’incident qui causa la ruine de mon