Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/162

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L’ancien curé de Saint-Yon s’approcha de nouveau du docteur.

— Monsieur Saulnier, dit-il, nous étions autrefois amis, et j’espére que vous m’avez gardé votre estime.

— Mon estime et mon amitié, citoyen Kervas, dit le docteur en lui tendant la main.

— Eh bien, reprit le prêtre, ayez égard à ma prière ; consentez à rester neutre dans ces tristes combats et à donner asile à Marie Brand.

Avant que le docteur eût pu répondre, il se fit un léger bruit à la porte : personne n’y prit garde.

— Jamais ! s’écria le citoyen Saulnier ; je suis républicain, je servirai la République jusqu’à ma mort.

— Ainsi vous refusez de recevoir Marie Brand ? prononça lentement M. de Vauduy.

— Je refuse.

Vauduy tira le cordon d’une sonnette, et deux paysans armés jusqu’aux dents parurent sur le seuil d’une porte latérale.

Mais, au même instant, la porte d’entrée s’ouvrit avec fracas, et Marie Brand s’élança dans le salon. Une vive rougeur colorait sa joue ; son œil brillait d’un éclat extraordinaire, et ses sourcils froncés donnaient à sa physionomie une expression de sauvage et impérieuse rudesse.

À son aspect, M. de Vauduy, Jean Brand et le curé lui-même se découvrirent respectueusement. Elle ne répondit point à leur salut.

— Que signifie cela, Messieurs ? dit-elle, en entrant, d’une voix courroucée ; depuis quand la fille de mon père a-t-elle besoin qu’on sollicite pour elle un asile.

— Not’ demoiselle… murmura humblement Jean Brand.

— Paix ! je vous avais fait connaître mes volontés ; vous saviez qu’il me plaisait de suivre l’armée royaliste, et de combattre dans les rangs des fidèles soutiens