Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/54

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a lu l’histoire en italien. Ce brave Allemand nous a beaucoup parlé Danube, mais je suis sûre que le paysan du Danube avait un moins déplorable tailleur. Son frère est gentil. Voilà l’habit que je voudrais voir à Gaston !

Le docteur Récamier répondait par des sourires divers, appropriés et tous éloquents. Généralement ces dames trouvaient qu’il avait infiniment d’esprit. Sa magnifique réputation médicale était fondée sur des bases analogues : il guérissait toutes les maladies en ne donnant point de remèdes.

Le frère était gentil, en effet, quoique le mot puisse sembler un peu familier dans la bouche d’une princesse pour désigner un prélat romain, dans le salon de l’archevêque de Paris. Le frère portait sa redingote-soutane avec une grâce décente et parfaite. Ses cheveux blonds, lisses et fins, percés au centre du crâne par une microscopique tonsure, tombaient en boucles molles le long de ses joues un peu trop roses et lui donnaient aspect de chérubin. La princesse n’était pas cause de cela, elle avait employé le mot propre, malgré elle : monsignor Bénédict était gentil.

— Tenez ! poursuivit la princesse en touchant le bras du docteur ; regardez-moi cela !

Son sourire, imprégné de cette moquerie maternelle, fausse comme un jeton et qui implore toujours un démenti, désignait un grand jeune homme, trop fluet, mais très beau, qui s’appuyait à la saillie d’une embrasure. Il avait les yeux baissés, peut-être parce que son regard venait de rencontrer celui de sa mère.

— Peste ! dit le docteur ; je n’aurais pas reconnu M. le marquis de Lorgères ! c’est un très remarquable cavalier maintenant !

La princesse rougit de plaisir.

— Vous ne trouvez pas, dit-elle, qu’il est bien pâle ?

— Tempérament nerveux… quelques affusions d’eau froide le matin, dans un bain chaud… régime tonique