Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/61

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prenaient à jouer de tout leur cœur la comédie de l’alguazil. Le concert avait tort ; il s’agissait bien de musique ! Quel déguisement allaient prendre ces deux hardis coquins pour entrer chez l’archevêque ? Par quel trou de serrures allaient-ils s’introduire ? Il y avait des marquises d’imagination qui voyaient déjà le chevalier Ténèbre en cardinal, et frère Ange, le vampire, en jeune chanoinesse allemande…

Ce baron d’Altenheimer était décidément un homme habile, car il devina le sentiment commun et l’exploita aussitôt.

— Illustres personnes, reprit le baron en adressant à la ronde un regard tout plein de prières, je puis dire que mon sort est entre vos mains. Je vous ai confié mon secret de moi-même et sans y être forcé. Soyez donc avec moi dans une œuvre qui a son importance et sa grandeur puisque notre victoire peut sauver la fortune de bien des familles et la vie d’un grand nombre de chrétiens. Veillez : je puis affirmer qu’avant une heure les frères Ténèbre seront ici. Comptez-vous alors, et cherchez le visage étranger parmi les figures connues et amies. Souvenez-vous que le cercle de leur travestissement est borné par leur nature physique : un grand, un petit, à peu près dans le rapport de taille qui existe entre mon bien aimé frère et moi ; cela peut donner un vieillard et un jeune homme, un mari et sa femme, un père et sa fille…

Comme il prononçait ces derniers mots, la porte située derrière l’orchestre s’ouvrit à deux battants. Une jeune fille habillée de blanc, conduite par un vieillard de haute taille, parut sur l’estrade, et leur aspect fit courir un long frémissement dans l’assemblée.