Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— La clef !… la clef !… s’écria Penhoël en s’élançant vers lui.

— La porte de la maison de votre père a été brisée comme cela une fois, du temps des bleus, dit le passeur d’un ton de reproche froid ; mais j’étais derrière pour la défendre.

— La clef ! répéta Penhoël haletant d’émotion ; n’entends-tu pas leurs cris d’agonie ?… C’est être un assassin que de laisser mourir ainsi des chrétiens sans secours !

— J’entends leurs cris, répliqua Benoît ; et je prie Dieu de prendre leurs âmes.

De temps en temps, la voix des malheureux arrivait parmi les mille fracas du dehors.

Ils disaient :

— Au secours !… au secours !…

Le maître de Penhoël secouait le vieillard qui demeurait immobile.

— Je te promets dix écus si tu me donnes la clef, reprit-il d’une voix étouffée ; vingt écus !… trente écus !…

Benoît Haligan hocha la tête avec lenteur.

— Je n’ai ni femme ni enfants, répliqua-t-il ; que m’importe votre argent ? Dieu ne veut pas que les étrangers viennent dévorer le pauvre pain de la Bretagne !

René roulait ses yeux avec fureur, et ses doigts crispés menaçaient le cou du vieillard.