Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/157

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— Vous ?… Avant de vous tuer, ils vous damneront !

Il y eut un silence dans le bateau qui fuyait toujours emporté par l’eau bouillonnante. René de Penhoël eut honte de lui-même.

— Folie que tout cela ! s’écria-t-il ; prends la perche et travaille.

— Vous m’ordonnez de les sauver ? dit le vieux Benoît d’une voix lente et emphatique.

— Je te l’ordonne !

— Une fois…

— Oui !

— Deux fois…

— Oui !

— Trois fois…

Penhoël frappa de son pied les planches vermoulues du chaland.

— Cent fois ! s’écria-t-il ; c’est en laissant mourir des chrétiens sans secours qu’on livre son âme à Satan ; marche !

Le passeur prit dans un coin du bac la pelle à épuiser l’eau et s’en servit comme d’une rame pour quitter enfin le lit de la rivière où sa perche n’aurait point trouvé fond. La lourde barque céda lentement à l’effort, tourna une dernière fois sur elle-même et entra dans des eaux plus tranquilles.

Haligan saisit alors la perche et trouva aisé-