Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/212

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— Que Dieu nous protège !…

Un seul matelot sur le pont de l’Érèbe restait complétement en dehors de ces préoccupations. C’était le jeune marin à la longue chevelure, qui se tenait toujours à l’écart, appuyé contre le bastingage. Il ne voyait rien de ce qui se passait autour de lui, et sans le tressaillement douloureux qui agitait parfois le bas de sa figure pâle, on aurait pu croire que le sommeil l’avait surpris.

Aux matelots qui prenaient le soin d’arranger sa vie en naïve épopée, Berry Montalt n’avait pas accordé un coup d’œil ; mais son regard était tombé deux ou trois fois, par aventure, sur le jeune marin qui ne s’occupait point de lui.

Il fallait assurément quelque chose de plus grave pour déranger la paresseuse rêverie du nabab ; néanmoins, une fois, au moment où il regardait le jeune matelot, celui-ci avait rejeté en arrière son épaisse chevelure, découvrant tout à coup les traits pâles et tristes de son visage.

L’œil de Montalt s’était un instant animé, et une nuance d’intérêt s’était fait jour sous sa nonchalante insouciance.

Ce visage inconnu faisait-il renaître en lui un lointain souvenir ?

Le soleil se couchait parmi les vapeurs rosées