Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/220

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— Impossible ! milord.

Les sourcils de Montalt se rapprochèrent légèrement. Ce fut tout. Il donna congé au capitaine d’un geste insouciant et ennuyé. Puis, il ferma tout à fait les yeux, et demanda sa pipe. Un nuage odorant s’éleva bientôt sous les tentures de cachemire, et, quelques secondes après, le nabab semblait replongé dans son indolence habituelle.

Les deux noirs étaient là, l’œil au guet, prêts à deviner sa moindre fantaisie. Seïd soutenait la pipe d’ambre, tandis que son camarade agitait doucement les plumes flexibles de l’éventail.

Impossible de se figurer un degré plus absolu de mollesse. À voir cet homme, on songeait au somnolent égoïsme de la Sybaris antique. L’apathie du corps et de la pensée étendait comme un voile lourd sur sa noble beauté. Il eût fallu la foudre pour l’éveiller de cet accablant sommeil. On devait se dire que tout était mort en lui, et qu’il aurait vu sans bouger ni s’évanouir la fin du monde.

Tout était mort, excepté cette haine bizarre contre un pays inconnu : la Bretagne…

Depuis qu’il avait touché la terre d’Europe, son front basané ne s’était rougi qu’une fois : c’était à l’idée de mettre le pied sur cette côte de Bretagne !